Aziz et Cucher. Antony Aziz et Sammy Cucher se sont rencontrés en 1990 au San Fransisco Art Institute, l'un étudiait la Photographie, l'autre les Nouvelles Images. Ils ont inventé une voie qui rénove radicalement le genre classique du portrait qu'ils privent à la fois de ses données objectives et de toute vertu personnelle.

www.aeroplastics.net

"Figures invisibles" de Patrick Roegiers.
Leur création est à ce point originale et neuve, tout en étant d'un parfait classicisme qu'elle prend place d'entrée dans l'histoire de la photographie. Leur premier travail intitulé "Faith, Honor and Beauty" (Foi, Honneur et Beauté) présente des individus au corps parfait, en accord avec les canons standards et les stéréotypes de la beauté conforme. Munis d'accessoires par lesquels ils se définissent, ces figures martiales arrogantes et belliqueuses de titans intrépides sont émasculées, stérilisées, liftées de leurs attributs sexuels, et donc impuissantes à procréer. Ce qui vaut pour la partie l'étant aussi pour le tout, cette agénésie resurgit dans leur second travail, titré "Dystopia" où ce qui arrivait au sexe a naturellement gagné la face puisque le visage est le modèle du corps entier. Surface lisse, rase, sans traits, le visage est retouché comme on rayait naguère les parties honteuses de l'anatomie interdites à la vue. Niant le rapport qui lie l'intérieur, abrogeant la fascination de la ressemblance qui est au cœur de la photographie, ainsi que les détails particuliers qui façonnent l'identité, ces portraits atomisés, sans expression, annulent toute possibilité d'identification et proscrivent toute projection puisque l'œil est par lui-même un miroir dans lequel l'autre se voit. Support radié de la chair, le visage, ou plutôt la tête, avec une précision clinique impitoyable, nous remet en face l'énigme du visage et réaffirme avec force l'axiome selon lequel toute photographie est par essence muette et défend par là même de parler à sa place.